MISE EN LUMIÈRE DE DANUBE

Œuvre 5 : Autoportrait

> Peux-tu dire quelques mots sur ton enfance et tes origines ?

J’ai grandi en Bourgogne à Auxerre avec ma mère, mon père et ma sœur dans une maison où il y avait souvent de la musique, des livres, un jardin. Mon père est français, il vient de Gy-L’Evêque, un village en Bourgogne et ma mère vient de Banja Luka, en Bosnie-Herzégovine. Elle est arrivée en France à la fin des années 60. Mes grands-parents étaient tailleurs, ils travaillaient à domicile. Mes premiers souvenirs sont dans leur appartement à Paris, vers Place des Fêtes. 


> Peux-tu nous parler un peu de tes influences culturelles en lien avec tes origines ?

Beaucoup d’éléments de la culture yougoslave m’inspirent dans mon quotidien et mon travail. Les couleurs des objets, les tissus brodés à la main, les installations modestes dans les cuisines, les vêtements du marché que porte ma grand-mère… Dans mes souvenirs les plus lointains je portais déjà une attention aux détails. Chez moi, j’ai toujours besoin d’être entourée d’objets de là-bas. Danube, ma planète, est inspirée de cette région de l’ex-Yougoslavie et plus généralement de la campagne… J’ai passé beaucoup de temps dans la maison de mes grands-parents près d’Auxerre. 


> Vers quel âge as-tu commencé à ressentir le besoin impérieux de créer ?

Dès la maternelle, je n’ai pas de souvenir précis.


> Quel âge as-tu maintenant ? 

32 ans.


> Peux-tu nous dire quelques mots sur le trouble de santé mentale dont tu souffres ?

Pendant 30 ans je n’ai pas su de quoi il s’agissait. J’ai reçu le diagnostic du Trouble du Spectre de l’Autisme en 2022. Suite à une suspicion venant de mon ex petit-ami ainsi que d’une amie très proche j’ai commencé les recherches. Quand j’ai commencé les soins psychiatriques à 15 ans, aucun professionnel de santé n’a fait allusion à l’autisme. Ce sont les conséquences du TSA qui ont été relevées telles que la dépression, la phobie scolaire, sociale, les TCA. Je me concentre désormais sur le présent et je mets en place tout ce que je peux pour adapter mon quotidien, poser mes limites et moins camoufler.


> Est-ce que cela t’a soulagé d’avoir un diagnostic ? 

Oui mais il y a aussi une longue étape d’acceptation et de rééducation. Depuis le diagnostic, il y a comme une sorte de relâchement, ce qui est assez fréquent d’après les témoignages que j’ai recueillis. Je veux dire par là que désormais beaucoup de situations dans lesquelles j’ai été, ou d’actions que j’arrivais à effectuer, présentent des difficultés. Avant le diagnostic, j’habitais à Paris dans un environnement bruyant, j’étais mannequin et travaillais parfois jusque tard. J’aimais réellement mon travail mais, rentrée chez moi, je ressentais de l'anxiété et de la tristesse immobilisantes. Les interactions me fatiguaient énormément mais sans le conscientiser. J’apprends maintenant à poser mes limites. 

Je suis reconnaissante envers les professionnels qui me suivent maintenant, je suis très bien entourée.


> Quels sentiments te procurent la création artistique ?

C’est mon souffle. La création me renforce et me rassure, c’est mon refuge.


> Quels sont les types d’arts ou de médiums que tu pratiques ? 

Dessin, peinture, écriture, photographie, sculpture, performance, musique.


> As-tu étudié l’art ou es-tu autodidacte ?

Je suis autodidacte.


> Quels sont les thèmes qui t’inspirent?

La nature, la maternité, l’enfance, le rêve. 


> Je vois que tu poses pour des photographes artistiques, participes-tu à la mise en scène de ces photographies ? 

Oui, il y a eu de vraies collaborations, comme celles avec Boris Camaca qui est devenu un ami. J’allais souvent chez lui pour échanger autour d’un thé, on faisait des images en écoutant de la musique. Pour moi c’était vraiment thérapeutique d’être en mouvement, de proposer des gestuelles, d’interpréter des personnages. 

Charlotte Robin, Camille Vivier et Harley Weir ont été également de grandes rencontres. 

Portrait de Danube par photographe Boris Camaca


> J’ai vu sur instagram que tu as cité COMBO Magazine sous une de tes photos, peux-tu nous en parler un peu ?

J'ai posé pour Combo quand j'étais enceinte. J’ai contacté Louise Follain pour lui proposer un projet avec mes amies, Charlotte Robin à la photographie, Marine Armandin au set design, Marie Gibert au stylisme. C'était un shoot avec une émotion particulière aussi parce que mon corps a beaucoup changé ces dernières années, j’ai pris beaucoup de poids. Je suis revenue sur le set avec beaucoup de joie.


> Je vois que dans les photographies tu explores la mise en scène de soi. Est-ce que tu es inspirée par des artistes comme Cindy Sherman ?

Il y a quelques années j’ai vu une rétrospective de Cindy Sherman à Paris, je ne connaissais que très peu son travail. J’ai eu le sentiment que la création était vitale pour elle, j’ai reçu une grande force de cette exposition. Pendant la visite, j’ai eu envie de développer mes mises en scène avec Marine Armandin, ma partenaire de travail. 


> Quel rôle joue l’écriture dans ton travail ?
Enfant, j’écrivais souvent des histoires. J’ai repris l’écriture de façon plus régulière quand j'avais 25 ans. Je suis partie à Belgrade en 2017 et là j'ai écrit beaucoup de poèmes, j’en avais besoin, il fallait que ça sorte. J’écrivais presque tous les jours, parfois c'était seulement quelques mots. J’en partageais sur les réseaux. En 2022, mes poèmes ont été publiés dans le recueil collectif “À l’ouest les poétesses” aux éditions Ex-Maudits.

> Peux-tu dire quelques mots sur les œuvres que nous avons reçues ?

Œuvre 1 : J'ai représenté la forêt en Bosnie. Au centre, une église orthodoxe et à côté, la maison de la personne qui s’occupe de l’église. Il y a des fleurs. Dans cette peinture, j’imagine qu’il y a aussi des animaux même si on ne les voit pas, c'est un peu la continuité de ce qu'il y a dans ma tête.

Œuvre 2 : Celle-ci représente des enfants dans la nature. Je l'aime bien, elle me rappelle mon enfance lorsque je jouais dans le jardin de mes grands-parents en Bosnie. J’aime représenter ma fille Olga dans mes peintures. Ici, je ne sais pas si c’est elle, en tout cas, il y a des enfants joyeux, ils n'ont pas de peur, ni de crainte dans la nature, c’est simple.

Œuvre 3 : Là c'est Baka, ma grand-mère. Elle prépare de la confiture de framboise dans le jardin de son ancienne maison dans le village de Slatina en Bosnie-Herzégovine.

Œuvre 4 : J’ai récupéré des chutes de bois dans mon ancien atelier, c’est une expérimentation récente. J’y ai collé des morceaux de carton peints. Je me suis représentée avec un cornet de fleurs. Le morceau de tissu japonais m’a été donné par mon amie Émilie.

Œuvre 5 : C’est un autoportrait. J’étais très à l’aise avec la nudité lorsque j’étais mannequin, il m’arrivait souvent de danser nue pendant les shoots. Cette peinture me rappelle cette aisance et ce besoin d’être en mouvement.

Œuvre 6 : Je ne sais plus quel est son prénom, j’ai réalisé ce petit personnage à la maison lorsque je n’avais presque rien sous la main, quelques crayons de couleur, du carton, et un fil de laine en guise d’écharpe. Je trouve toujours un moyen de créer. 

> Qu’espères-tu trouver ou vivre au sein du Living Museum à Nantes ? 

Je vois le Living Museum comme un lieu rassurant et de rencontres. Je crois beaucoup en ce projet. C’est un espace d’échange, d’entraide et à la fois on peut venir créer dans son coin tout en étant soi-même, donc en sécurité. 

> Peux-tu dire quelques mots sur Danube, ta planète ? 

Danube est une planète peuplée de personnages autonomes qui vivent simplement dans la nature. Certains vivent de la cueillette, d’autres écrivent des poèmes. Ils célèbrent la nature en organisant des fêtes. Beaucoup de mes personnages sont bleus. Ils ont des émotions très fortes, parfois envahissantes mais il y a toujours un camarade qui vient aider et écouter. J’aimerais bien prendre un vaisseau et aller sur ma planète. 

Danube a commencé sur Instagram. J'étais à Belgrade pendant l’hiver 2016 et je me filmais, comme des mini performances. J’allais aussi souvent au marché pour acheter des grenades, des dattes, chiner des objets pour ensuite faire des installations que je photographiais. Puis j’ai commencé à partager mes peintures, écrits, anciens dessins. 

> Si tu avais une chambre à toi, uniquement à toi, dédiée à la poursuite de ton art, quels objets seraient à l’intérieur ?

Il y aurait un espace musique avec un synthétiseur, mes poupées Zoran et Milena, des fleurs puis un espace atelier pour travailler le bois et faire mes peintures. Il y aurait une icône orthodoxe et des photos de la Bosnie accrochées au mur, ainsi que les jouets de ma fille par terre.

Toutes les photos des œuvres ont été prises par Charlotte Robin.

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